Le quotidien d’un psychiatre
Par Maëva Castanheira Amélie Bonnin Charlotte Charrier
Très intéressées par la psychiatrie puisque l’une de nous aurait aimé exercer ce métier au coeur de l’humain, faisant parfois débat, nous sommes allées à la rencontre d’un praticien…
Vous êtes pédopsychiatre, pourquoi avez-vous choisi ce métier ?
Ne sachant pas vraiment dans quel domaine m’orienter et sortant de ma terminale S j’ai choisi une formation qui pouvait m’ouvrir les meilleures portes. C’est pour cela que j’ai préféré m’inscrire en prépa scientifique. Par la suite je me suis orienté vers la médecine et grâce aux stages effectués chez un psychiatre je me suis découvert une passion pour la médecine somatique pure, pour le psychisme et la philosophie . Et c’est pour cela que je me suis spécialisé en psychiatrie puis, après quelques années d’exercice, en pédopsychiatrie. Je préfère travailler avec des enfants puisque mon action a plus d’effet chez eux que chez les adultes. Je peux influencer, améliorer leur avenir contrairement aux adultes pour qui c’est plus difficile car leurs problèmes sont plus profondément ancrés et beaucoup plus complexes.
Quel type de patients prenez-vous en charge?
Je reçois tous types de patients ; le mardi je consulte dans un cabinet pour adultes à Paris. Et le reste de la semaine je m’occupe d’enfants et d’adolescents, de celui qui ne veut plus manger, à celui qui présente des troubles scolaires (trouble de l’attention, phobie scolaire ) en passant par les troubles de la personnalité, les délires, dépressions qui peuvent aller jusqu’à la tentative de suicide… Par exemple, aujourd’hui j’ai pu voir un garçon de sixième, qui ne voulait plus aller au collège depuis Pâques, il piquait des colères, passait son temps sur sa console de jeux et insultait ses parents. J’ai aussi eu rendez-vous avec un enfant de 7 ans à la situation familiale compliquée : des parents séparés, un frère autiste et un retard mental. Aujourd’hui son cas s’est stabilisé. Un autre encore a perdu ses cheveux à cause de troubles anxieux.
Est-ce que les malades mentaux peuvent être soignés?
Tout d’abord les troubles mentaux sont difficiles à définir, il n’y a pas de barème qui détermine si on est psychologiquement malade ou non. Un problème d’ordre psychologique peut se manifester physiquement, ou pas, ce qui le rend extrêmement difficile à cerner. On a tous côtoyé des personnes avec des troubles psychologiques sans forcément le savoir car ils ne sont pas toujours visibles. Une personne souffrant d’un problème psychologique doit se soigner afin de se sentir mieux. Mais la limite entre ce qui est normal et pathologique n’est pas claire. La question de la gravité est également subjective, en effet la gravité, est-ce forcément le spectaculaire ? Un trouble qui a un impact plus ou moins fort sur la vie quotidienne ?
Pensez-vous pouvoir soigner tout le monde?
Nous ne pouvons prendre en charge que les personnes qui viennent d’elles-mêmes car elles sont conscientes de leur maladie et acceptent notre aide. Cependant il existe des cas de force majeure où la justice accompagnée d’un médecin, considère qu’une personne est dangereuse pour les autres ainsi que pour elle-même. Ce qui entraîne leur hospitalisation forcée. Cependant les personnes contraintes à cela ne sont pas toujours conscientes de leur mal-être, se braquent et refusent toute aide proposée par le corps médical. J’ai moi même une amie alcoolique et dépressive qui refuse de se faire soigner, je pense qu’elle n’est pas réellement consciente de son problème. Ce déni l’empêche d’améliorer son état .
Vous exercez depuis quelques années déjà, y at- il un cas particulier qui vous a particulièrement marqué ?
Oui bien sûr, il y en a beaucoup pour des raisons très diverses, des cas très spectaculaires, des cas où les enfants progressent très bien et des cas où malgré toutes nos tentatives leur état ne s’améliore pas voire s’aggrave. Très souvent des adultes refusent de prendre leur traitement et peuvent même être violents. Chez les enfants par contre on évite de donner des médicaments (une fois sur dix) tout d’abord parce qu’ils sont peu efficaces – les approches comportementales fonctionnent beaucoup mieux -mais aussi parce que certains sont dangereux. Quand on leur en prescrit il y a souvent méfiance des parents. Il y a quelques temps, un jeune lycéen aujourd’hui en fac d’éco-gestion avait des troubles délirants. Il a été hospitalisé mais ses parents trouvaient toujours des raisons pour le soutenir dans l’arrêt de son traitement. Cependant 6 mois après une nouvelle hospitalisation ses parents le font sortir de l’hôpital en prétextant que les médicaments l’assomment et que l’hôpital ne lui permettra pas de se rétablir. Au bout du quatrième épisode, il manque de se suicider. Désormais il accepte la prise en charge médicamenteuse.
Qu’est-ce qui peut vous faire peur ?
Je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà eu peur pour moi sauf peut être une fois où le père d’une petite fille qui avait beaucoup bu a voulu « me casser la gueule » : j’ai eu peur et j’ai sauté par la fenêtre, heureusement que j’étais au premier étage ! En règle générale je suis plus inquiet pour mes patients que pour ma propre santé.
Est-ce que vous êtes vous-même suivi par un psychiatre ?
Il est nécessaire de pouvoir parler à un confrère surtout en début de carrière. Je ne suis pas à proprement parler suivi, cependant je travaille avec un autre psychiatre ce qui permet de parler de certains cas et de trouver des solutions plus adaptées.
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